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Mardi 9 février 2021: Port-au-Prince, Haïti, 17:00h

Hier, j’ai visionné sur les réseaux sociaux, des journalistes qui ont vaillamment défendus leur collègue qui a été l’objet de mauvais traitement de la part de policiers au champs-de-mars. Ils ont bravé ces agents de l’ordre public avec micros, caméras et paroles jusqu’à ce que les policiers aient rétractés de leurs forfaits.

Cette attitude des travailleurs de la presse n’est pas nouvelle. On se souvient de la solidarité exprimée à l’égard de radio Kiskeya et d’autres stations sœurs dont les émetteurs ont été sabotés à boutillier en 2003. Plus récemment, la même solidarité a été manifestée à l’endroit de la Radio Zénith lorsqu’elle a été l’objet d’attaques armées en 2019.

Cette solidarité peut être vue comme un esprit de corps, une certaine bienveillance commune comme garant de sureté. Ce besoin de sécurité est le premier des besoins de la vie en société. C’est ce qui pousse l’homme à s’associer, à institutionaliser la vie commune. Le besoin de sécurité est commun aux différentes théories du contrat social (chez Jean Jacques Rousseau, Thomas Hobbes et John Locke) qui donne naissance à la création de l’État. Dans les corps de métiers, l’homme se regroupe autour de différents types associations afin de se mettre à l’abri de l’insécurité et de l’arbitraire.

Parmi les corps de métiers, les médecins témoignent d’une solidarité exceptionnelle. On se souvient de leur mobilisation à cause des enlèvements de Drs Jerry Bitar et Hans David Télémaque l’année dernière. Ces deux médecins ont été libérés en l’espace de 24 heures grâce à la solidarité de leurs pairs qui ont effectué un arrêt de travail jusqu’à la libération de leurs camarades.

Les parlementaires ne plaisantent pas non plus avec l’image de leur institution. Ils n’ont pas laissé le Président Michel Martelly humilier le parlement en procédant à l’arrestation du député Arnel Bélizaire le 12 octobre 2012. Un député en fonction qui jouit de l’immunité de juridiction consacré par l’article 115 de la Constitution. Cet affront a mis les collègues parlementaires sur leurs pieds de guerre et ils ont menacé le Président de destitution s’il ne procède pas à la libération immédiate du député. Pour l’histoire, le député a été libéré en moins de 24 heures et conduit au parlement. De même, le Ministre de la Justice d’alors a perdu son job pour avoir ordonné cette arrestation illégale.

Les avocats quant a eux ont donné une leçon à Ocnam Clamé Daméus, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince d’alors. Le mardi 9 octobre 2018, Berson Soljour (Directeur Départemental de l’Ouest, PNH) a frappé le greffier en chef du parquet ainsi qu’un avocat du Barreau de Port-au-Prince a l’enceinte même du parquet. Les avocats, furieux, ont tout de suite exigé du Commissaire l’arrestation sur le champ du policier pour coups et blessures vu qu’il y ait flagrance. Ocnam a préféré faire sortir Berson Soljour par la petite porte. Depuis ce jour, les avocats ont réclamé la tête du chef du Parquet et du Policier. Au bout de plusieurs mois de crise, Ocnam a été révoqué ainsi que son compère.

Ces exemples nous montrent comment la solidarité, l’esprit de corps et la confraternité peuvent réaliser des exploits inimaginables et c’est avec un tel souci de satisfaction que j’ai apprécié l’émergence d’associations de Magistrats comme l’ANAMAH, la RENAMAH et la COMADH. Et voilà, a l’instar des autres catégories socio-professionnelles, les magistrats ont été mis à l’épreuve ce dimanche 7 février 2021 avec l’arrestation illégale et arbitraire de Me Yvickel Dieujuste Dabresil, juge à la Cour de Cassation.

Depuis cette arrestation, aucune mobilisation sérieuse de la part des magistrats, aucun ultimatum lancé, aucune action visant à retrouver la libération de leur collègue. Même pas une constitution d’avocats, jusqu’à ce matin, pour défendre sa cause. La société se demande si effectivement il appartient à un corps. C’est vrai que certains pourraient dire que le magistrat ne devrait se mêler à la politique mais j’ai vécu au Barreau de Port-au-Prince que la confraternité passe avant tout. Dès qu’un avocat se trouve en danger, tous les avocats se soulèvent et ceci quelque soit leurs appartenances politiques.

Pour illustration, en 2014, Me Francisco René, chef du parquet (appelé komisè gwo moso), s’est vu révoqué parce qu’il a exécuté un mandat d’amener du juge Lamarre Bélizaire à l’encontre d’un avocat (un acte interdit par la loi, sauf en cas de flagrant délit). L’avocat en question était certes de l’opposition mais tous les avocats du Barreau ont applaudi la décision du Conseil de l’Ordre d’entamer une grève jusqu’à la révocation du chef du parquet. Le commissaire révoqué a demandé pardon aux avocats, et ceci en public.

Les magistrats, contrairement aux avocats ont beaucoup plus de possibilités sous la main. Ils peuvent émettre des mandats, inculper les responsables de cet acte barbare et même bloquer tout le système judiciaire jusqu’à la libération de leurs collègues et faire payer les metteurs en scène. Lorsque le collectif est soudé, rien ne peut l’affecter. On dit généralement que la déstabilisation vient toujours de l’intérieur, « Si anndan pa bay, deyò paka pran ». Cette passivité va tellement loin au point que l’exécutif se permet de poursuivre son pèlerinage en mettant 3 magistrats de la Cour de cassation à la retraite malgré leur inamovibilité. Oufff !!!

HONORABLES MAGISTRATS DE LA REPUBLIQUE, ressaisissez-vous ! Avec cette arrestation, ce n’est pas Me Dabresil qui est touché mais le respect de la magistrature. Cette arrestation constitue une atteinte au prestige de cette noble fonction, une souillure de l’intégrité de chacun de vous. Sur ce, je vous invite à vous ressaisir, car si cela passe, vos PAR CES CAUSES ET MOTIFS n’auront dorénavant aucune valeur.

Me Wilgui BEUCIA, av.

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